18º Dimanche du temps de l’Église A
Los Angeles, 2 août 2020
1ère lecture : du Livre du prophète Isaïe 55,1-3
Psaume : 144(145)8-9.15-16.17-18
2ème lecture : de la lettre de Saint Paul aux Romains 8,37-39
Évangile : selon St Matthieu 14,13-21
L'une des coutumes chinoises qui met parfois les étrangers mal à l'aise est le principe des échanges mutuels de cadeaux ou de services. Par exemple, dans un mariage, lorsque les gens vous invitent, si vous voulez être poli, vous pouvez préparer une enveloppe rouge et y mettre de l'argent, puis l'offrir aux mariés. Si vous avez de la chance, dans certaines familles, on vous rend l'enveloppe à la fin du mariage avec une autre somme d'argent, en fonction de la valeur qu'on vous accorde dans l'échelle des relations.
Ce petit rituel de donner et de donner en retour consiste à reconnaître l'autre personne en tant que telle. Le don et le contre-don sont en quelque sorte beaucoup moins importants que le processus lui-même, par lequel une relation est reconnue.
Ce mécanisme de don et de réception de cadeaux est très présent dans nos vies humaines : généralement, lorsque nous aidons quelqu'un, nous attendons de lui qu'il nous aide en retour. Cela est également vrai dans les relations : lorsque nous donnons de l'amitié ou de l'amour à quelqu'un, nous attendons de cette personne qu'elle nous rende de l'amitié ou l'amour en retour.
Parfois, cette dynamique est également présente dans notre relation avec Dieu. Nous donnons quelque chose à Dieu (par exemple un temps de prière) et nous souhaitons qu'il nous rende quelque chose, ou nous recevons quelque chose de beau et de bon dans notre vie, et nous croyons que nous devrions le payer ou que nous devons quelque chose en retour à Dieu. Une partie de cette dynamique de donner et de recevoir est abordée dans les lectures d'aujourd'hui. Dans la première lecture, nous avons pu écouter comment le prophète Ésaïe transmet la parole du Seigneur : Vous tous qui avez soif, venez, voici de l’eau ! Même si vous n’avez pas d’argent, venez acheter et consommer. Ici, le Seigneur dit qu'il veut nous donner la vie, mais il manifeste aussi qu'il ne fonctionne pas comme nous et notre logique humaine d'échange. Il y a quelque chose de différent dans la façon dont Dieu nous donne et dans la façon dont nous recevons ce qu’il nous donne : Venez, sans payer et sans coût, buvez du vin et du lait ! Pourquoi dépenser votre argent pour ce qui n'est pas du pain ; votre salaire pour ce qui ne satisfait pas ?
Dieu donne sans aucune attente de retour, Dieu n’est pas dans l’échange commercial avec nous, son don de la vie est total et n'attend rien en retour, ou plutôt si. Si Dieu n’attend qu'une chose : c’est que nous jouissions des dons qu’il nous fait, que nous jouissions de la relation avec lui. C'est ce que dit Paul dans la deuxième lecture : Frères, qui pourra nous séparer de l’amour du Christ ? la détresse ? l’angoisse ? la persécution ? la faim ? le dénuement ? le danger ? le glaive ? Mais, en tout cela nous sommes les grands vainqueurs grâce à celui qui nous a aimés. En d'autres termes, Dieu nous offre un type de relation qui repose à 100% sur le don de soi, sans nous demander de rendre en retour, ce qui est la véritable définition de l'amour. Parfois, nous considérons l'amour comme un "amour qui consomme l’autre" : par exemple, j’aime les poissons, donc je les mange : nous aimons les autres tant qu'ils répondent à nos besoins. Mais le Seigneur n'est pas dans ce type de relation avec nous : si nous lui faisons un peu confiance, si nous lui donnons un signe que nous acceptons la qualité de relation qu'il nous offre, si nous acceptons de le recevoir dans notre vie, alors il n'y a pas de limite aux grâces extraordinaires qu'il veut nous faire. C'est ce qui est exprimé dans l'Évangile : En donnant ses cinq pains et ses deux poissons, la foule, par l'intermédiaire des disciples, reconnaît son désir d'être en relation avec Jésus, et à partir de là, Jésus redonne, en gros, se redonne lui-même à la foule.
« Nous n’avons là que cinq pains et deux poissons. Jésus dit : Apportez-les-moi. Puis, ordonnant à la foule de s’asseoir sur l’herbe, il prit les cinq pains et les deux poissons, et, levant les yeux au ciel, il prononça la bénédiction. » Avec Dieu, la logique de l'amour ou de la relation n'est pas une logique d'échange commercial, ou de don et de contre-don mais une logique de surabondance. Ils mangèrent tous et ils furent rassasiés. On ramassa les morceaux qui restaient : cela faisait douze paniers pleins. C'est la grâce que nous pouvons demander pour nous-mêmes, que nous nous ouvrions aux dons et aux grâces que le Seigneur veut nous donner en abondance, et que nous les partagions avec ceux avec qui nous vivons. Amen. Père Y. V.